Le statut de l'erreur

Quel statut donner à l’erreur ?

 L’erreur peut être considérée comme une faute dans un modèle d’apprentissage dit transmissif.

Une faute mise à la charge  de l’étudiant qui ne se serait pas assez investi, motivé et  qui n’aurait pas mis en œuvre toutes ses compétences. Dans ce contexte, l’erreur sera souvent sanctionnée lors d’une évaluation finale.

L’erreur peut être considérée comme un dysfonctionnement dont l’origine serait une mauvaise adaptation de l’enseignant ou des contenus de la formation au niveau des étudiants. Dans ce cas, l’enseignant fera un effort de réécriture de la progression, en décomposant éventuellement les difficultés en étapes plus simples. L’activité de l’étudiant sera guidée pas à pas afin de contourner les erreurs.

L’erreur peut également  servir d’indicateurs des processus intellectuels en jeu lors d’un apprentissage. Dans ce cas, on considère que cet apprentissage passe obligatoirement par des moments de difficultés face auxquels les étudiants doivent remplacer leurs anciennes conceptions erronées par de nouvelles correctes.

 

L’enseignant peut avoir ce rôle : il  doit situer les erreurs dans leur diversité afin de déterminer les modalités de l’intervention didactique à mettre en œuvre.

Pour nous aider, Jean Pierre Astolfi nous propose, à cet effet,  une typologie des erreurs en fonction de leurs origines.

 

Typologie des erreurs.

L’erreur peut relever de la compréhension des consignes.

Les termes employés pour un questionnement ne sont pas clairs sur les attentes pour les étudiants : Ex : analyser, indiquer, expliquer, interpréter, conclure… 

Le vocabulaire employé par chaque discipline est spécifique et  ainsi source de problème pour les élèves. On trouve des mots nouveaux, un lexique spécialisé et des mots de la langue courante qui sont utilisés de manière différente.

La question dans la consigne n’est pas toujours interrogative ou se présente sous la forme de deux questions posées successivement.

 

L’erreur peut résulter d’un mauvais décodage des règles du contrat didactique.

L’étudiant est sous l’influence du contrat didactique. Il « sait qu’il est attendu et, si le contrat fonctionne bien, il sait où on l’attend ». Donc, dans la réponse de l’étudiant, il y aura à la fois la réponse à la question posée et la réponse à l’enseignant qui la pose.

Les erreurs proviennent des difficultés de l’étudiant à décoder les règles implicites de la situation.

Quelques exemples de règles implicites utilisées lors de la résolution d’un problème:

  • Le problème possède une solution et une seule.
  • Pour sa résolution, il ne faut extraire des données de l’énoncé que celles qui sont numériques. 
  • Toutes les données sont nécessaires.
  • Si la réponse ne tombe pas sur un nombre simple c’est probablement qu’on s’est trompé.

 

L’erreur peut témoigner des représentations notionnelles inappropriées des élèves.

Comme l’indique Bachelard, le principal obstacle est la représentation de ce que l’on sait déjà. « On connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l’esprit même fait obstacle ». L’esprit ne peut « se former qu’en se réformant ». 

Les obstacles surviennent lorsque nous agissons et réfléchissons avec les moyens dont nous disposons déjà ; ces moyens n’étant pas nécessairement  appropriés ou corrects amènent les élèves à faire des erreurs.

 

L’erreur peut être liée à des opérations intellectuelles impliquées.

Certaines opérations ne sont pas disponibles à tout moment chez l’étudiant.

 

L’erreur peut provenir des démarches adoptées par les élèves.

Devant un problème donné, et lorsque on  laisse le choix de stratégie de résolution, les élèves adoptent souvent des démarches bien différentes de ce qu’attend l’enseignant. On trouve des procédures différentes de la procédure « canonique » attendue.

 

L’erreur peut être due à une surcharge cognitive.

Différentes conditions influent sur l’efficacité de la mémorisation.

Quand l’étudiant est face à une situation-problème qui lui demande une mobilisation  de nombreuses informations en mémoire, la centration peut se faire uniquement sur un des aspects. Ils perdent le sens du problème.

 

L’erreur peut être liée au fait que les élèves ne transfèrent pas des outils utilisés dans une discipline à une autre discipline.

Pour comprendre cette difficulté de transfert, la psychologie distingue dans un problème : ses traits de surface (« habillage ») et traits de structure (opérations logiques requises pour la résolution). Il semblerait qu’un élève aux prises avec deux situations dans des disciplines différentes, soit d’abord sensible à la similarité de leurs traits de surface et donc ne ferait pas le rapprochement entre leurs outils communs.

 

L’erreur peut résulter de la complexité propre du contenu.

L’origine des erreurs pourrait, en effet, se rapporter à la complexité interne dans le sens où elle peut avoir des répercussions du point de vue psychologique de l'apprenant (charge mentale, nature des opérations intellectuelles…).

 

Comment prendre en compte les erreurs des élèves dans l’apprentissage ?

Il faut analyser la valeur des erreurs en essayant de déterminer leurs origines.

Mais la prise en compte ne s’arrête évidemment pas là. Il faut ensuite que les élèves prennent conscience de leurs erreurs.

Comme l’indique Stella BARUK, lorsque l’apprenant identifie lui-même l’erreur, la confusion cesse au moment même où il en prend conscience.

Pour  faciliter cette prise de conscience, il faut que l’enseignant mette en place des situations qui :

  • créent  des conflits sociocognitifs (confrontation de ses représentations à celle des autres)
  • travaillent sur la métacognition (réflexion sur son propre fonctionnement).

 

Astolfi Jean-Pierre (1997) L’erreur, un outil pour enseigner, Paris : ESF éditeur.